C’est en travaillant sur la lumière et son effet sur les valeurs chromatiques dans cette série d’anémones fanées ou de vanités végétales que j’ai découvert le plaisir de travailler avec la couleur et la technologie numérique. Une fois séchées, ces fleurs réunies en bouquet offraient des nuances de couleurs nouvelles et le contraste entre chaque pétale se trouvait renforcé ; elles devenaient plus graphiques et accrochaient la lumière. Elles me sont apparues comme des symboles d’une fragilité et d’une évanescence qui contredisent la matérialité et l’arrogance d’objets de nos sociétés surconsommatrices.
Dans cette série, construite sur une sérialité formelle, les images se répondent les unes aux autres, chaque image ne trouvant un sens plastique que mise en correspondance avec ses pendants. La série, comme d’autres qui s’inscrivent dans le quotidien et dans la tradition de la nature morte (Petits rien, Poème Kawa), est inspirée de mon environnement familier, mais est un exercice de composition où j’essaie de faire dessiner aux tiges des lignes et aux pétales des touches de couleurs.
Le numérique permet de croiser le travail sur la lumière, inhérent à la photographie, un travail qui avait accompagné toute ma pratique argentique, avec une approche plus picturale rendue possible par le numérique. Le fond blanc (contrairement au fond noir souvent présent dans la peinture dite de fleurs) et le cadrage tentent d’initier un échange entre la photographie numérique couleur, la peinture ou l’aquarelle, et le dessin. Ce fond blanc permet que se révèlent, par la lumière, les textures. C’est la recherche de cette présence de la texture, couplée au thème de la disparition, qui m’a occupé dans cet exercice. Avec la digigraphie, j’ai pu rendre des nuances et valeurs sur des papiers d’une texture mate (inaccessible en argentique) qui restituent magnifiquement la fragilité des pigments.